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Nous font d’un pied léger franchir de vastes mers.
À peine ai-je abordé cette triste contrée,
Et de quelque succès signalé mon entrée,
Que l’espoir, à ce bruit, renaissant dans les cœurs,
Range nos vieux guerriers sous mes drapeaux vengeurs.
C’est alors que pour vaincre il fallut disparaître,
Et qu’un prix publié (dignes armes d’un traître !)
Abandonnant ma vie aux plus indignes mains,
Environna mon camp, le remplit d’assassins.
Je dépouille d’un chef l’apparence nuisible :
Travesti, mais des miens partout l’âme invisible,
Je marche à la faveur de ce déguisement ;
Et Gustave à couvert triomphe impunément :
Dans Stockholm, à l’abri de l’heureux stratagème,
Je viens seul me servir d’émissaire à moi-même :
Là je vois mon devoir écrit de tout côté.
D’un temple, d’un palais le marbre ensanglanté,
Une veuve, une fille, une mère plaintive,
Tout m’émeut, tout retrace à mon âme attentive
L’instant où, de leur fils réclamant le secours,
Périrent, sous le fer, les auteurs de mes jours :
Et juge de ma tendre et vive impatience,
Quand, le cœur embrasé d’amour et de vengeance,
Je lance mes regards vers l’horrible prison
Où vous laissez gémir le beau sang de Sténon.
J’assemble mes amis ; mon aspect les anime.
J’ai peine à réprimer une ardeur magnanime.
Ils doivent cette nuit attaquer le palais,
Tandis qu’à fondre ici des bataillons tout prêts,