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adélaïde

Vous avez, je le sais, partagé mes alarmes ;
La prison d’où je sors, vous a coûté des larmes ;
Et votre appui, sans doute, en éclaircit l’horreur.
J’ai pu craindre un moment qu’à mon persécuteur
De la même pitié l’adresse téméraire
Ne m’eût peinte incertaine et prête à lui complaire.
Grâce au ciel, elle a su plus noblement agir,
Et je puis en goûter les effets sans rougir.
Soyez sûr à jamais de ma reconnoissance…
Que le don de mon cœur n’est-il en ma puissance !
Mais vous savez, seigneur, si j’en puis disposer :
Ce n’est plus un tribut qu’on me doive imposer.
Lassez-vous d’un récit qui toujours vous afflige,
Et que de moi pourtant sans cesse l’on exige.
Je dois être à Gustave : il en a pour garant
La volonté d’un père, et d’un père expirant.
"Ma fille, me dit-il, comptons sur sa vaillance.
Il sera mon vengeur ; soyez ma récompense… "
Cet ordre, mes serments, mon amour, sa valeur,
Voilà ses droits. J’en compte encore un : son malheur.
La fuite où le condamne un pouvoir tyrannique…
Exil où mon image est sa ressource unique,
Cela seul en mon cœur a droit de le graver,
Et le vôtre est trop grand pour ne pas m’approuver.
Si la fortune aussi, pour nous moins inhumaine,
Si la victoire, un jour, en ces lieux le ramène,
De ce héros, instruit de vos bontés pour moi,
L’estime et l’amitié paieront ce que je dois.