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adélaïde

Un bonheur apparent cause un nouvel effroi,
Seigneur, à qui subit les cruautés du roi.
À la clarté du jour il veut bien que je vive ;
Avec quelle douceur il parle à sa captive.
Ce changement qui tient en suspens mes esprits,
De ma soumission devroit être le prix.
Vous l’êtes-vous promise ? Auriez-vous laissé croire
Que je songe à trahir et Gustave et ma gloire ?

frédéric

Non, madame ; vous-même, avez-vous un moment
Accusé mon amour d’un tel égarement ?
Non, sincère et soumis, j’ai sur votre constance,
Ainsi que mes discours, réglé mon espérance :
Frédéric qui vous aime, et que vous avez craint,
N’aspire qu’à l’exil, et ne veut qu’être plaint.

adélaïde

être plaint ! Ah ! Seigneur, le destin qui m’outrage
Ne permet qu’à moi seule un si triste langage.
Vous aimez, dites-vous ; voilà tous vos malheurs.
Mais n’est-ce que l’amour qui fait couler vos pleurs ?

frédéric

Madame, l’on ressent, quand l’amour est extrême,
Avec ses propres maux ceux de l’objet qu’on aime.
Souffrant donc à la fois ma peine et vos ennuis,
Nul ici n’est à plaindre autant que je le suis.