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Mais, quoiqu’il eût pour lui rang, mérite et naissance,
Qu’au plus dur esclavage, en s’offrant, il mît fin,
Deux ans de soins n’ont pu faire accepter sa main.
Cent fois, las du mépris dont on payoit ses peines,
D’un mot j’aurois tranché ces difficultés vaines,
Si le prince alarmé, rejetant ce secours,
N’eût heureusement su m’en empêcher toujours.
Enfin je m’accusai de trop de complaisance ;
Et croyant qu’à mon ordre il manquoit ma présence,
Je vis Adélaïde. Ah ! Rodolphe, peins-toi
Tout ce qu’a la beauté de séduisant en soi,
Tout ce qu’ont d’engageant la jeunesse et des grâces
Où la tendre langueur fait remarquer ses traces !
Jamais de deux beaux yeux le charme en un moment
N’a, sans vouloir agir, agi si puissamment,
Ni jamais, dans un cœur, l’amour ne prit naissance
Avec tant d’ascendant et si peu d’espérance.
De quoi pouvois-je alors en effet me flatter ?
Les suites d’un divorce étoient à redouter.
Qu’eus-je opéré d’ailleurs sur cette âme inflexible,
Que de loin dominoit un rival invincible ?
Je n’osai donc parler : mon feu se renferma ;
Mais, sous ce feu couvert, le dépit s’alluma.
Du fugitif aimé craignant l’audace active,
Je resserrois toujours les fers de ma captive ;
Enfin, pour n’avoir plus à la persécuter,
Je publiai l’arrêt qu’on vient d’exécuter.
Frédéric ici donc est le seul qui me gêne.
Qu’il aille à Copenhague y remplacer la reine :