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La multiplicité des événements, sans contredit, est inexcusable quand elle affaiblit, qu’elle exténue, et qu’elle absorbe l’intérêt principal ; quand elle est mal amenée, mal tissue et mal débrouillée. Les objets se dispersent alors et se croisent ; l’attention du spectateur se divise avec ces objets ; et l’esprit les suivant quelque temps avec contention, se relâche enfin, s’embarrasse et se perd dans le labyrinthe. Dès lors l’ouvrage n’amuse plus ; il égare, il fatigue, et par là même il cesses d’être un ouvrage d’agrément ; ce n’est plus pour les spectateurs qu’une étude vaine et fatigante.

Mais si, au contraire, tous ces événements procèdent sans peine les uns des autres, et se succèdent par une progression immédiate ; s’ils s’entrelacent et se démêlent avec ordre et sans embarras ; si toujours subordonnés à l’action principale ; ils ne font, en conduisant à la catastrophe, que la suspendre agréablement ; si ce ne sont enfin que des points de lumière très vifs et très distincts qui, sur le chemin arrêtent le regard sans le trop fixer, et sans faire perdre de vue le centre essentiel et lumineux où ils doivent tous aboutir et s’éteindre ; reprocher l’abondance alors, je le crois pouvoir dire, c’est mauvaise humeur ; peut-être mauvaise foi ; je dirai même ingratitude. Or, pour faire voir comme les événements se produisent ici, s’enchaînent et se développent naturellement et sans confusion, je vais, en joignant l’historique par où j’ai débuté, ce qu’exigeoit de moi l’usage du Théâtre françois, je vais dis-je dans le moins d’espace que je pourrai, dévider ici tout le fil de ma fable, et conduire ce fil d’une bout à l’autre, précisément et