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fait à "Gustave", pour avoir eu besoin que l’auteur du "Pour et contre" se mit si fort en peine de me rappeler à mon néant ; puisque même encore aujourd’hui, quand je serois assez peu sensé pour me laisser éblouir du bonheur constant des reprises, et pour m’oser prévaloir d’un titre si foible, je serois toujours forcé de redescendre bientôt à ma place aux cris humiliants de la plupart de mes lecteurs, juges sévères, mais éclairés, à qui rien n’impose, et qui, no sans grande apparence de raison, n’attribuent la bonne fortune de cette tragédie qu’à l’un de défauts qu’ils lui reprochent, je veux dire la multiplicité des événements.

J’avoue que je venois de me trouver si mal de la simplicité du sujet de "Callisthène", que je laissai l’esprit s’emparer de tous les "remplissages" que lui présenta l’imagination, tant que le jugement crut n’y rien voir qui donnât la moindre atteinte aux trois unités principales.

Je ne dissimule pas, comme on voit, et je prétends encore moins excuser absolument ce défaut si sensible dans ma pièce. Je pense, là-dessus comme tout autre, et comme le plus simple raisonnement invite à penser, sans le secours des poétiques. Rien n’est mieux sans doute que de savoir, avec un sujet simple, entretenir pendant le cours de cinq actes, l’attention du spectateur dans toute sa vivacité, sans autre magique celle du flux et du reflux des passions embellies de cette élégance et sage et continue dont fut doué l’unique et l’inimitable Racine. Quiconque y parviendra, méritera toujours infiniment plus que celui, qui, bondissant, pour ainsi dire, d’incidents en incidents, se tire enfin d’affaire, moins par la fertilité de son propre fonds, que par celle d’un sujet aussi fourni que celui-ci.