Page:Piron - Œuvres complettes, 1776, tome 2.djvu/107

Cette page n’a pas encore été corrigée

enfin, à toute sorte de prix, tant par nous-même que par nos dévoués, prévenir, captiver, violenter, harceler, acheter même s’il le faut, les suffrages quels qu’ils soient, de poids ou non, pourvu qu’ils soient bruyants et nombreux ; dût le pièce, de dessus le théâtre où elle viendroit de triompher aller échouer sous la presse, et grêler le libraire, après avoir un peu refoit le comédien. Oui, encore, une fois, tout auteur qui se sera produit sur la scène sans de si belles précautions, tout auteur, dis-je, honnêtement jaloux de ne réussir que par les bonnes voies, ne pourra guère y parvenir d’emblée, qu’à la faveur des talents du comédien ; et s’il en sort à son honneur, sa cause alors, fût-elle aussi bonne par elle-même, que la mienne au fond peut-être étoit douteuse, il doit leur attribuer la gain de la mailleure partie ; ou c’est un présomptueux, et qui pis, est même, un ingrat.

Où le succès commence à nous devenir un peu plus propre, c’est aux diverses reprises, et quand, après la retraite des premiers acteurs, le pièce remise au théâtre produit toujours le même effet entre les différentes mains de ceux qui les remplacent. Alors la critique, qui fut si vive et si prématurée, soutiendra-t-elle encore que l’auteur n’y est pas pour quelque chose ? Ce seroit en vouloir trop aussi à l’amour-propre de son prochain, en bien craindre les égarements, et pousser étrangement loin le charitable soin de les réprimer. Que ce beau zèle se tranquillise sur mon compte, en s’assurant que je ne suis pas plus enflé du succès théâtral qui a continué, que je le fus de celui qui l’amorça : or, celui-ci ne me tourna pas la tête le moins du monde. Je ne fut donc pas assez enorgueilli du premier accueil