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Ce coup irréparable a fait mes vrais malheurs ;
Et l’espace d’un an n’a pas tari mes pleurs.
Ce faux bruit enleva mon père à sa famille.
Il mourut, en pleurant sur le sort de sa fille.
Rien n’égala pour moi son amour paternel ;
Et mon seul intérêt porta le coup mortel.
Aujourd’hui cependant je me trouve enrichie
Du retour de ces biens qui m’ont coûté sa vie :
J’en vais jouir sans lui, Nérine ! Est-ce un bonheur
Si pur que je le puisse apprendre sans douleur ?

NÉRINE

L’excellent naturel ! Où sont, pour vous entendre,
Tant d’honnêtes enfants, si peu faits pour attendre,
Qui hâtent dans leurs cœurs d’un vieux père opulent,
L’héritage tardif, & le trépas trop lent ?
Bel exemple, sur-tout pour les fils de Géronte !
Mais de la fermeté sied bien, au bout du compte.
La raison fixe un terme à des regrets si vains.
L’esprit, le temps, l’argent sont trois grands médecins.
L’argent seul ! Est-il mal, excepté l’avarice,
Qu’un si doux élixir n’endorme ou ne guérisse ?
Est-il ennui qui perce à travers un gros bien ?
Ce n’est pas tout encor ; ne comptez-vous pour rien
Le dépit des messieurs qui vous ont méprisée ?
Ils vous trouvent charmante, & vous ont refusée.
Avec une fortune égale à vos appas,
De leur confusion ne jouirez-vous pas ?
Qu’Angélique à présent, démasquant la comtesse,