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ACTE V



Scène I

ANGÉLIQUE, NÉRINE.

NÉRINE

Mais pourquoi donc cette âme à la douleur en proie,
Quand je ne vois pour vous que des sujets de joie ?
Au comble du bonheur vous vous désespérez ?
En un mot, tout vous rit, madame ; & vous pleurez !
Qui m’interrogeroit sur ce qui vous afflige,
Ne sauroit que penser de ce nouveau prodige.
« Un courrier nous apprend le retour d’un vaisseau,
Qui lui rend des trésors que l’on croyoit sous l’eau.
On vient de lui compter cent mille écus sur table :
Et, depuis ce moment, elle est inconsolable. »
Madame, à ce discours, vous tomberez d’accord,
Qu’on me riroit au nez ; & qu’on n’auroit pas tort.

ANGÉLIQUE

Je suis riche, il est vrai ; c’est un grand avantage.
De l’un à l’autre état je sens l’heureux passage :
J’ai connu l’indigence ; & qui s’en vit presser,
D’un œil indifférent ne la voit pas cesser.
Mais quels que soient enfin ces biens qui te séduisent,
Je n’en souffre pas moins du faux bruit qu’ils détruisent.