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Aimez, ressentez-en le charme séducteur :
Nous aurons notre excuse au fond de votre cœur.

ANGÉLIQUE

Ne vous alarmez plus des volontés d’un père
Qui vous trace un devoir en effet trop austère.
Non qu’il n’eût été beau, peut-être même heureux,
De se plier au gré d’un cœur si généreux.
Une âme, je dis même une âme assez commune,
De l’orpheline offerte eût chéri l’infortune ;
On la peignoit aimable, & pensant assez bien
Pour faire le bonheur de qui feroit le sien.
Que n’auroit pas en elle opéré la puissance
D’un chaste amour fondé sur la reconnoissance ?
Pleine de sentiments si tendres & si doux,
Que n’eût-elle pas fait pour plaire à son époux ?
Plaisir, honneur, devoir, pitié de sa jeunesse,
Gloire de relever ce que le sort abaisse,
Les prières d’un père, & les bienfaits du sien,
Tout cela vous parloit pour elle, & n’a pu rien.
Si je voulois encor, je vous pourrois plus dire ;
Sans m’éloigner du but où votre cœur aspire,
D’un mot, si jusques-là je daignois m’abaisser,
D’un seul mot je pourrois vous bien embarrasser.
Mais, encore une fois, messieurs, soyez tranquilles.
Et sachez, pour trancher des propos inutiles,
Que cette infortunée à qui, dans son malheur,
Un ami s’intéresse avec tant de chaleur,
De tout ce qui se passe apprenant la nouvelle,