Page:Piron - Œuvres complettes, 1776, tome 1.djvu/280

Cette page n’a pas encore été corrigée
DAMIS

Vous me rendez justice : & je gagerois bien
Que votre avis aura d’abord été le mien.

CHRISALDE

Voyons.

DAMIS

Qui ne sait pas qu’un homme de finance
Doit s’appuyer toujours d’une noble alliance,
Dont le crédit puissant, dans les temps de revers,
Offre à l’impunité des asiles ouverts ?
De loin, contre l’orage, un nautonnier s’apprête :
Avec le vent en poupe, il songe à la tempête :
Ainsi doit faire & fait l’habile financier.
Ainsi fais-je.

CHRISALDE

Fort bien. & vous, mon officier ?

VALÈRE

Oui-da ! J’ai, tout au plus, dix mille écus de rente,
Et j’irais épouser une fille indigente !
Avec un bien qu’au jeu je puis perdre en un coup,
Et l’unique talent d’en dépenser beaucoup :
Et cela justement quand j’ai fait la conquête
D’un excellent parti qui se jette à ma tête ;
Que dis-je ? Au moment même où, par un coup soudain,
Mon père est à l’aumône & va manquer de pain.
Ne lui suffit-il pas de sa propre misère,
Sans qu’il y joigne encor celle d’une étrangère ?
Qu’il amasse de quoi rebâtir sa maison.