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ANGÉLIQUE

Je conviens qu’en ceci tes cris sont de saison ;
Que rien ne fut jamais plus contre la raison :
Mais je tiens, quelque tort que l’on donne à Géronte,
Que ce n’est pas sur lui qu’en doit tomber la honte ;
Et que tous gens de bien doivent être saisis
De pitié pour le père, & d’horreur pour les fils.
Faut-il, si des bienfaits l’ingratitude abuse,
Qu’à de tels bienfaiteurs l’estime se refuse ?
Un amour si sacré l’est même en ses excès ;
Et n’est que plus touchant pour être sans succès.
Plus ce père est trahi, plus son sort m’intéresse.
Je sens même, oui, je sens qu’envers lui ma tendresse
Me charge des devoirs que l’on ne lui rend pas.

PASQUIN

Voilà, voilà les cœurs qu’il lui falloit, hélas !
Bon comme il est ; & vous, si douce & si gentille,
Vous avez bien mal fait de n’être pas sa fille ;
Comme eux, de n’aller pas chercher un père ailleurs.

ANGÉLIQUE

Ton cœur, je le vois bien, est aussi des meilleurs.
Le ciel dut à Géronte un sujet si fidèle.
Oh ! Je veux des valets être le vrai modèle.
Non, ces fripons qu’on voit, sur la scène, à Paris,
Toujours prêts à tromper les pères pour les fils…
Laissez-moi fréquenter un peu votre Nérine ;
Que je vous la façonne, & que je l’endoctrine.