Page:Piron - Œuvres complettes, 1776, tome 1.djvu/207

Cette page n’a pas encore été corrigée
GERONTE

Comme on pourvoit les filles ;
En la mariant.

CHRISALDE

Oui, je vous entends fort bien ;
Mais à qui, s’il vous plaît ? Angélique n’a rien.
Vos fils vous ont rendu presque aussi pauvre qu’elle.
Aurais-je pénétré le but d’un si beau zèle ?
Vous la voulez pourvoir, peut-être, en l’épousant ?
Mon frère, une main vide est un mauvais présent.

GERONTE

Touché de sa beauté, d’abord, malgré mon âge,
Je formois, je l’avoue, un projet si peu sage ;
Et laissois naître en moi, sous ombre de pitié,
Des sentiments plus vifs que ceux de l’amitié.
De-là vient qu’à mes fils, qui lui rendent visite,
J’ai caché, quelque temps, mes pas & ma conduite,
Et que, de ce qu’elle est, loin d’avoir nuls soupçons,
Ils ignorent encor que nous nous connoissons.
Mais je me suis bientôt reproché ma foiblesse.
La jeunesse est pour être unie à la jeunesse :
Et l’offre de ma main tiendroit plus, en effet,
De l’abus du malheur, que du prix d’un bienfoit.

CHRISALDE

Votre âge ici nuiroit moins que cette indigence,
Où vous a, pour vos fils, réduit votre indulgence.
Avec un bon esprit, tout homme bien renté,
L’emporte en agréments sur un jeune éventé.