nal de l’Inde. Ainsi l’Inde faisait sur la scène politique du monde son entrée imprévue et émouvante, quelques jours avant la bataille de Liao-Yang.
L’Inde ! On avait bien le temps d’y songer, en Europe ! Une île aux confins de l’Orient, une île close et mystérieuse il y a quarante ans, soudainement ouverte et transformée, au point qu’on la dirait sortie battant neuf d’une forge magique et géante, comme le pont de la légende jeté un matin sur la Reuss, tire le regard et accapare l’attention. Et cependant sur cette terre d’Asie, qui fermente, tel autre point reste dans l’ombre, où s’organisent obscurément d’énormes masses humaines amorphes jusque-là. L’Inde intéresse tout au plus quelques touristes et quelques érudits. Quand on apprend qu’une famine, dépassant en gravité toutes les précédentes, jette sur les routes des millions de victimes, un frisson parcourt la presse ; comme en 1900, des condoléances et des aumônes lui sont offertes ; et puis, on n’y pense plus. Éternelle exploitée d’hier, d’aujourd’hui et de demain, c’est là, pense-t-on, l’inéluctable destinée, où elle se résigne, de cette foule mystique et rêveuse, indifférente aux maîtres d’une heure, qui se succèdent et qui passent… Il est vrai que cette Inde, rongée de nihilisme, existe ; mais, du milieu d’elle, une génération active et jeune, réveillée du lourd sommeil, élevée à l’anglaise, imbue de nos idées, vient troubler la fête anglaise. Elle appelle à elle les races et les castes diverses, Hindous, Parsis, Musulmans : elle a ses journaux, ses congrès, ses comités, ses orateurs et ses chefs. Elle demande simplement sa place à la