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empereurs. L’enthousiasme mystique qui l’anime et qu’elle insuffle à ses fidèles les lance dans l’entreprise héroïque et grandiose de la croisade qui redresse la chrétienté occidentale contre l’Islam. L’esprit militaire de la féodalité lui fait aborder et réussir des entreprises épiques. Des chevaliers normands vont combattre au Sud de l’Italie les Byzantins et les Musulmans et y fondent les principautés dont sortira bientôt le royaume de Sicile. D’autres Normands, auxquels s’associent des Flamands et des Français du Nord, conquièrent l’Angleterre sous la conduite du duc Guillaume. Au Sud des Pyrénées, les chrétiens refoulent devant eux les Sarrasins d’Espagne et s’emparent de Tolède et de Valence (1072-1109). De telles entreprises n’attestent pas seulement l’énergie et la vigueur des caractères ; elles témoignent aussi de la santé sociale. Elles auraient été manifestement impossibles sans la puissante natalité qui est l’une des caractéristiques du xie siècle. La fécondité des familles y apparaît aussi générale dans la noblesse que chez les paysans. Les cadets abondent partout, se sentant à l’étroit sur le sol natal et brûlant de tenter au loin la fortune. Partout on rencontre des aventuriers en quête de profit ou de travail. Les armées sont pleines de mercenaires coterelli ou Brabantiones, louant leurs services à qui veut les embaucher. De Flandre et de Hollande, des bandes de paysans partiront dès le début du xiie siècle, pour assécher les Mooren des bords de l’Elbe. Dans toutes les légions de l’Europe les bras s’offrent en quantité surabondante et c’est là certainement ce qui explique les grands travaux de défrichement et d’endiguement dont le nombre va croissant depuis lors.