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avant tout des établissements militaires. Mais à ce caractère primitif s’est ajouté de très bonne heure celui de centres administratifs. Le châtelain cesse d’être uniquement le commandant des chevaliers de la garnison castrale. Le prince lui délègue l’autorité financière et judiciaire dans un district plus ou moins étendu autour des murailles du bourg et qui, dès le xe siècle, prend le nom de châtellenie. La châtellenie dépend du bourg comme l’évêché dépend de la cité. En cas de guerre, ses habitants y trouvent un refuge : en temps de paix, ils s’y rendent pour assister aux réunions de justice ou pour s’y acquitter des prestations auxquelles ils sont soumis[1]. Au reste, le bourg ne présente pas le moindre caractère urbain. Sa population ne se compose, outre les chevaliers et les clercs qui en forment la partie essentielle, que des hommes employés à leur service et dont certainement le nombre a été très peu considérable. C’est là une population de forteresse, ce n’est point une population de ville. Ni commerce, ni industrie ne sont possibles ni même concevables dans un tel milieu. Il ne produit rien par lui-même, vit des revenus du sol avoisinant et n’a d’autre rôle économique que celui d’un simple consommateur.

À côté des bourgs construits par les princes, il faut mentionner encore les enceintes fortifiées que la plupart des grands monastères firent élever au cours du ixe siècle pour se protéger contre les barbares. Par elles, ils se transformèrent à leur tour en bourgs ou en châteaux. Ces forteresses ecclésiastiques présentent d’ailleurs, à tous égards, le même caractère que les forteresses laïques. Elles ne furent

  1. W. Blommaert, Les châtelains de Flandre (Gand, 1915).