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pouvoir se maintenir au milieu des populations soumises par eux. Ils construisirent à cet effet des enceintes fortifiées, appelées gorods en langue slave, et où ils s’installèrent autour de leurs princes et des images de leurs dieux. Les plus anciennes villes russes doivent leur origine à ces camps retranchés. Il, y en eut à Smolensk, à Sousdal, à Novgorod : la plus importante se trouvait à Kief, dont le prince possédait la prééminence sur tous les autres princes.

La subsistance des envahisseurs était assurée par les tributs levés sur les populations indigènes. Il eût donc été possible aux Russes de vivre sur place, sans chercher au dehors un supplément aux ressources que le pays leur fournissait en abondance. Ils l’eussent fait sans doute et se fussent contentés de consommer les prestations de leurs sujets, s’ils s’étaient trouvés, comme leurs contemporains de l’Europe Occidentale, dans l’impossibilité de communiquer avec l’extérieur. Mais la situation qu’ils occupaient devait bientôt les engager à pratiquer une économie d’échange.

La Russie méridionale était placée, en effet, entre deux domaines de civilisation supérieure. À l’Est, au delà de la Mer Caspienne, s’étendait le Khalifat de Bagdad ; au Sud, la Mer Noire baignait les côtes de l’Empire Byzantin et conduisait vers Constantinople. Les barbares éprouvèrent tout de suite le rayonnement de ces deux puissants foyers. Sans doute, ils étaient au plus haut point énergiques, entreprenants et aventureux, mais leurs qualités natives ne firent que mettre à profit les circonstances. Des marchands arabes, juifs et byzantins fréquentaient déjà les régions slaves quand ils en prirent possession. Ces marchands leur indiquaient la voie