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tour sous le joug de l’Islam (640) et le papyrus ne parvient plus en Gaule. Il est tout à fait caractéristique que, depuis 677, la chancellerie royale cesse de l’employer[1]. L’importation des épices se maintient encore durant quelque temps puisque, en 716, les moines de Corbie croient utile de se faire ratifier pour la dernière fois, leur privilège au tonlieu de Fos[2]. Une cinquantaine d’années plus tard, la solitude s’est faite dans le port de Marseille. La mer nourricière s’est fermée devant lui et la vitalité économique qu’elle avait entretenue par son intermédiaire dans les régions de l’intérieur, est définitivement éteinte. Au ixe siècle la Provence, jadis la contrée la plus riche de la Gaule, en est devenue la plus pauvre[3].

  1. L’importation, cependant, n’en avait pas encore complètement cessé à cette date. La dernière mention que l’on connaisse de l’usage du papyrus en Gaule est de 787. M. Prou, Manuel de paléographie, 4e édit., p. 9. En Italie, on continua de l’employer jusqu’au xie siècle. Giry, Manuel de diplomatique, p. 494. Il y était importé soit d’Égypte, soit plus probablement de Sicile, où les Arabes en avaient introduit la fabrication par le commerce des villes byzantines du Sud de la péninsule ou par celui de Venise, dont il sera question au chapitre IV. — Il est caractéristique aussi de constater qu’à partir de l’époque carolingienne, les fruits d’Orient, encore si largement représentés dans l’alimentation des temps mérovingiens (Voy. p. 20, n. 1) disparaissent complètement. Si l’on consulte les tractoriae fixant l’approvisionnement des fonctionnaires, on voit que les missi carolingiens en sont réduits à des menus de paysans : viande, œufs et beurre. Voy. Waitz, Verfassungsgeschichte, t. II 2, p. 296.
  2. Voyez p. 20. Même phénomène à Stavelot où les moines ne se font plus confirmer l’exemption du tonlieu que Sigebert III leur a consentie au passage de la Loire, c’est à dire sur la route de Marseille. Halkin et Roland, Cartulaire de l’Abbaye de Stavelot-Malmédy, t. I, p. 10.
  3. F. Kiener, Verfassungsgeschichte der Provence, p. 31. — Il est caractéristique d’observer qu’au ixe siècle, les routes qui franchissaient les Alpes en direction de Marseille ne sont plus fréquentées. Celle du Mont Genèvre est abandonnée. Il n’y a plus