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suivant leurs dépenses. Mais cette accise urbaine ne se rattache en rien à l’ancien tonlieu. Elle est aussi souple qu’il est rigide, aussi variable suivant les circonstances ou les besoins publics, qu’il est immuable. Quelle que soit d’ailleurs la forme qu’il affecte, le produit de l’impôt est tout entier consacré aux nécessités de la commune. Dès la fin du xiie siècle, le contrôle financier est institué et l’on observe dès cette époque les premières traces d’une comptabilité municipale.

Le ravitaillement de la ville et la réglementation du commerce et de l’industrie témoignent plus manifestement encore de l’aptitude à résoudre les problèmes sociaux et économiques que posaient aux bourgeoisies leurs conditions d’existence. Elles avaient à pourvoir à la subsistance d’une population considérable obligée de tirer ses vivres du dehors, à protéger les artisans contre la concurrence étrangère, à organiser leur approvisionnement en matières premières, à assurer l’exportation de leurs fabricats. Elles y sont arrivées par une réglementation si merveilleusement adaptée à son but qu’on peut la considérer dans son genre comme un chef-d’œuvre. L’économie urbaine est digne de l’architecture gothique dont elle est contemporaine. Elle a créé de toutes pièces et je dirais volontiers qu’elle a créé ex nihilo une législation sociale plus complète que celle d’aucune autre époque de l’histoire y compris la nôtre. En supprimant les intermédiaires entre l’acheteur et le vendeur, elle a assuré aux bourgeois le bienfait de la vie à bon marché, elle a impitoyablement poursuivi la fraude, protégé le travailleur contre la concurrence et l’exploitation, réglementé son labeur et son salaire, veillé à son hygiène,