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ville) est en même temps la loi de la ville (lex ville). Les emblèmes qui symbolisent la juridiction et l’autonomie de la ville sont avant tout des emblèmes de paix. Tels sont, par exemple, les croix ou les perrons qui s’élèvent sur les marchés, les beffrois (bergfried) dont la tour s’érige au sein des villes des Pays-Bas et du Nord de la France, les Rolands si nombreux dans l’Allemagne du Nord.

Grâce à la paix dont elle est dotée, la ville forme un territoire juridique distinct. Le principe de la territorialité du droit l’emporte, par elle, sur celui de la personnalité. Soumis tous également au même droit pénal, les bourgeois, fatalement, participeront tôt ou tard, au même droit civil. La coutume urbaine s’épanche jusqu’aux limites de la paix, et la ville forme dans l’enceinte de ses remparts, une communauté de droit.

La paix a, d’autre part, largement contribué à faire de la ville une commune. Elle a, en effet, pour sanction, le serment. Elle suppose une conjuratio de toute la population urbaine. Et le serment prêté par le bourgeois ne se réduit pas à une simple promesse d’obéissance à l’autorité municipale. Il entraîne des obligations étroites et impose le devoir strict de maintenir et de faire respecter la paix. Tout juratus, c’est à dire tout bourgeois assermenté, est obligé de prêter main forte au bourgeois appelant à l’aide. Ainsi, la paix établit entre tous ses membres une solidarité permanente. De là le terme de frères par lequel ils sont parfois désignés ou celui d’amicitia employé à Lille par exemple, comme synonyme de pax. Et puisque la paix s’étend à toute la population urbaine, celle-ci se trouve donc constituer une commune. Les noms mêmes que portent