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est la liberté. Elle est un attribut nécessaire et universel de la bourgeoisie. Chaque ville à cet égard constitue une « franchise ». Tous les vestiges de la servitude rurale ont disparu dans ses murs. Quelles que soient les différences et même les contrastes que la richesse y établit entre les hommes, tous sont égaux quant à l’état civil. « L’air de la ville rend libre », dit le proverbe allemand (Die Stadtluft macht frei), et cette vérité s’observe sous tous les climats. La liberté était anciennement le monopole de la noblesse ; l’homme du peuple n’en jouissait qu’à titre exceptionnel. Par les villes elle reprend sa place dans la société comme un attribut naturel du citoyen. Il suffit désormais de résider à demeure sur le sol urbain pour l’acquérir. Tout serf qui pendant un an et un jour a vécu dans l’enceinte urbaine la possède à titre définitif. La prescription a aboli tous les droits que son seigneur exerçait sur sa personne et sur ses biens. La naissance importe peu. Quelle que soit la marque que l’enfant ait portée dans son berceau, elle s’efface dans l’atmosphère de la ville. La liberté dont au début les marchands avaient seuls joui en fait, est maintenant en droit le bien commun de tous les bourgeois.

S’il peut encore exister ça et là parmi eux quelques serfs, ceux-ci ne sont pas membres de la commune urbaine. Ce sont des serviteurs héréditaires des abbayes ou des seigneuries qui ont conservé dans les villes quelques terres échappant au droit municipal et où se prolonge l’ancien état de choses. Mais ces exceptions confirment la règle générale. Bourgeois et homme libre sont devenus des termes synonymes. La liberté est au Moyen Âge un attribut aussi insé-