Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Saint Augustin parmi eux, est, elle aussi, une attestation éclatante de l’importance historique conservée par la Méditerranée. Et celle-ci apparaît plus significative encore si l’on songe que l’évangélisation de l’Irlande est due à des missionnaires venus de Marseille et que les apôtres de la Belgique, Saint Amand († c. 675) et Saint Remacle († c. 668), sont des Aquitains.

Plus clairement encore, le mouvement économique de l’Europe se révèle comme la continuation directe du mouvement économique de l’Empire Romain. Sans doute, le fléchissement de l’activité sociale apparaît dans ce domaine comme dans tous les autres. Déjà les derniers temps de l’Empire nous font assister à une décadence que la catastrophe des invasions a naturellement contribué à accentuer. Mais on se tromperait du tout au tout si l’on s’imaginait que l’arrivée des Germains a eu pour résultat de substituer au commerce et à la vie urbaine une économie purement agricole et une stagnation générale de la circulation[1]. La prétendue répulsion des barbares pour les villes est une fable convenue démentie par la réalité. Si sur les frontières extrêmes de l’Empire quelques villes ont été pillées, incendiées et détruites, il est incontestable que l’immense majorité d’entre elles a survécu. Une statistique des villes existant aujourd’hui en France, en Italie et même aux bords du Rhin et du Danube, attesterait que, pour la plupart, elles s’élèvent à l’endroit où s’élevaient des villes

  1. A. Dopsch, Wirtschaftliche und Soziale Grundlagen der Europäischen Kulturentwickelung, t. II, p. 527 (Vienne, 1920) s’élève avec force contre l’idée que les Germains auraient fait disparaître la civilisation romaine.