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en résultaient d’autant plus grandes que ces tribunaux ne siégeaient pas tous dans la ville et qu’il fallait parfois se transporter au loin pour y plaider. En outre, ils différaient les uns des autres par leur composition, aussi bien que par le droit qu’ils rendaient. À côté des cours domaniales, subsistait presque toujours un ancien tribunal d’échevins établi soit dans la cité, soit dans le bourg. La cour ecclésiastique du diocèse attirait à elle non seulement les affaires relevant du droit canonique, mais encore toutes celles dans lesquelles un membre du clergé était intéressé, sans compter quantité de questions de succession, d’état civil, de mariage, etc.

Si l’on tourne les yeux vers la condition des personnes, la complexité apparaît plus grande encore. Le milieu urbain en formation présente à cet égard tous les contrastes et toutes les nuances. Rien n’est plus bizarre que la bourgeoisie naissante. Les marchands, on l’a vu plus haut, étaient, en fait, traités en hommes libres. Mais il n’en allait pas de même d’un très grand nombre des immigrants qui, attirés par le désir de trouver du travail, affluaient vers eux. Car, presque toujours originaires des environs, ils ne pouvaient dissimuler leur état civil. Le seigneur au domaine duquel ils avaient échappé pouvait facilement les retrouver ; les gens de leur village les rencontraient quand ils venaient à la ville. On connaissait leurs parents, on savait qu’ils étaient serfs, puisque la servitude était la condition générale des classes rurales, et il leur était donc impossible de revendiquer, comme les marchands, une liberté dont ces derniers ne jouissaient que grâce à l’ignorance où l’on était de leur