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Partout les agglomérations urbaines ont aspiré vers elle, grâce au commerce, l’industrie rurale[1].

À l’époque de l’économie domaniale, chaque centre d’exploitation, grand ou petit, subvenait, dans la plus large mesure possible, à tous ses besoins. Le grand propriétaire entretenait dans sa « cour » des artisans serfs, de même que chaque paysan construisait lui-même sa maison ou confectionnait de ses propres mains les meubles ou les outils qui lui étaient le plus indispensables. Les colporteurs, les juifs, les rares marchands qui passaient de loin en loin subvenaient au reste. On vivait dans une situation très analogue à celle qui se rencontrait encore récemment dans de nombreuses régions de la Russie. Tout cela changea dès que les villes commencèrent à offrir aux habitants des campagnes, le moyen de s’approvisionner chez elles de produits industriels de toute sorte. Il s’établit entre la bourgeoisie et la population rurale cet échange de services dont nous avons parlé plus haut. Les artisans chez qui se fournissait la première, trouvèrent aussi dans la seconde une clientèle assurée. Le résultat en fut une division du travail très nette entre les villes et les campagne. Celles-ci s’adonnèrent exclusivement à l’agriculture, celles-là à l’industrie et au commerce, et cet état de choses dura aussi longtemps que la société médiévale.

Il était d’ailleurs beaucoup plus avantageux à la bourgeoisie qu’aux paysans. Aussi les villes

  1. Au xie siècle, les Miracula Sancti Bavonis (Mon. Germ. Hist. Script., t. XV, p. 594) signalent à Gand les « laici qui ex officio agnominabantur corrarii ». Il n’y a pas de doute que ces artisans y étaient arrivés du dehors.