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sition est très nette. Tandis que ceux-ci sont des rendez-vous périodiques d’acheteurs et de vendeurs, il est une place permanente de commerce, un centre de transit ininterrompu. Dès le viie siècle, Dinant, Huy, Maestricht, Valenciennes, Cambrai étaient des sièges de portus et par conséquent des lieux d’étape[1]. La décadence économique du viiie siècle et les invasions normandes ruinèrent naturellement leur négoce. Il faut attendre le xe siècle pour voir, non seulement les anciens portus se ranimer mais pour observer qu’en même temps il s’en fonde de nouveaux dans quantité d’endroits, à Bruges, à Gand, à Ypres, à Saint-Omer, etc. On relève à la même date, dans les textes anglo-saxons, l’apparition du mot port employé comme synonyme des mots latins urbs et civitas, et l’on sait avec quelle fréquence la désinence port se rencontre dans les noms de villes de tous les pays de langue anglaise[2]. Rien ne montre avec plus de clarté l’étroite connexion qui existe entre la renaissance économique du Moyen Âge et les débuts de la vie urbaine. Elles sont tellement apparentées que le même mot qui désigne un établissement commercial a servi dans l’un des grands idiomes européens, à désigner la ville elle-même. L’ancien néerlandais présente, au surplus, un phénomène analogue. Le mot poort et le mot poorter y sont employés, le premier avec la signification de ville, le second avec celle de bourgeois.

Nous pouvons conclure avec une sûreté complète que les portus mentionnés en si grand nombre

  1. H. Pirenne, L’origine des constitutions urbaines au Moyen Âge (Revue historique, t. LVII, p. 12).
  2. Murray, New English Dictionary, t. VIII, 2e part., p. 1136.