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autrement en Allemagne et les rois de France, dès qu’ils en eurent le pouvoir, firent de même. Les princes avaient d’ailleurs tout intérêt à attirer les marchands vers leurs pays, où ils apportaient une activité nouvelle et augmentaient fructueusement les revenus du tonlieu. De très bonne heure, on voit les comtes prendre des mesures énergiques contre les pillards, veiller au bon ordre des foires et à la sûreté des voies de communication. Au xie siècle, de grands progrès ont été accomplis et les chroniqueurs constatent qu’il est des régions où l’on peut voyager avec un sac plein d’or sans risquer d’être dépouillé. De son côté, l’Église frappa d’excommunication les détrousseurs de grands chemins, et les paix de Dieu dont elle prend l’initiative à la fin du xe siècle protègent tout particulièrement les marchands.

Mais il ne suffit pas que les marchands soient placés sous la sauvegarde et la juridiction des pouvoirs publics. La nouveauté de leur profession exige encore que le droit fait pour une civilisation fondée sur l’agriculture, s’assouplisse et se prête aux nécessités primordiales qu’elle lui impose. La procédure judiciaire avec son formalisme rigide et traditionnel, avec ses lenteurs, avec des moyens de preuve aussi primitifs que le duel, avec l’abus qu’elle fait du serment absolutoire, avec ses « ordalies » qui remettent au hasard l’issue d’un procès, est pour les commerçants une gêne perpétuelle. Ils ont besoin d’un droit plus simple, plus expéditif et plus équitable. Aux foires et aux marchés il s’élabore entre eux une coutume marchande (jus mercatorum) dont on peut surprendre les premières