Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 40 —

II. — Les maires du palais

On désigne traditionnellement les derniers Mérovingiens sous le nom de rois fainéants ; on aurait, mieux fait de les appeler rois impotents, car leur inaction ne s’explique ni par leur paresse, ni par leur apathie, mais par leur faiblesse et leur impuissance. À partir du milieu du viie siècle, ils règnent encore, mais ce sont les grands qui gouvernent sur les ruines du pouvoir royal qu’ils ont abattu, dont ils se partagent les sujets et occupent les fonctions. Dans chacune des trois parties, Neustrie, Austrasie et Bourgogne, entre lesquelles se divise la monarchie, suivant le jeu des successions royales, le maire du palais s’est transformé de ministre du roi, en représentant de l’aristocratie auprès de sa personne. En fait, c’est lui qui, appuyé par elle, exerce désormais le gouvernement. Des trois maires du palais, celui de Bourgogne disparut assez tôt, puis la lutte s’engagea entre les deux autres. L’aristocratie foncière d’Austrasie, plus puissante que les grands propriétaires de Neustrie, parce que restée plus éloignée du roi et de l’ancienne administration romaine, devait nécessairement l’emporter dans un État exclusivement basé sur la richesse foncière. Entre le maire d’Austrasie, Pépin, qui représentait les grands, et le maire de Neustrie, Ebroïn, resté fidèle à l’ancienne conception royale, la lutte n’était plus égale : Pépin triompha. Depuis lors, il n’y eut plus qu’un maire du palais pour toute la monarchie et ce fut la famille carolingienne qui le fournit.

Depuis longtemps déjà elle jouissait dans le nord du royaume d’une situation qu’elle devait à sa richesse foncière. Ses domaines étaient nombreux, surtout dans cette région mi-romane mi-germanique dont Liége, alors un simple village, forme le centre, et se répandaient, des deux côtés de la frontière linguistique, dans la Hesbaye, le Condroz et l’Ardenne ; Andenne et Herstal étaient ses résidences favorites. De riches mariages augmentèrent encore son ascendant. De l’union de la fille de Pépin de Landen et du fils d’Anségise de Metz naquit Pépin de Herstal, le premier de la race qui ait joué un rôle qu’il soit possible de discerner. On sait qu’il combattit avec succès les Frisons païens qui harcelaient de leurs incursions les parties septentrionales du royaume, et il dut en rejaillir sur lui et les siens une popularité qui les mit tout à fait en évidence. Tandis qu’il envoyait son fils bâtard Charles Martel continuer la lutte contre les barbares, il tourna contre Ebroïn