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CHAPITRE II

LE ROYAUME FRANC

I. — La dislocation de l’État

De tous les royaumes fondés par les barbares sur le sol de l’Empire romain, celui des Francs était le seul dont les frontières englobaient un bloc compact de population germanique. Dès avant les conquêtes de Clovis en Gaule, les Francs Saliens, les Francs Ripuaires et les Alamans avaient colonisé en masse toute la rive gauche du Rhin, et s’étaient avancés assez profondément dans les vallées de la Moselle, de la Meuse et de l’Escaut. Clovis n’était lui-même à l’origine qu’un des nombreux petits rois sous le gouvernement desquels se répartissaient les Francs Saliens. Son royaume, qui devait correspondre à peu près à l’étendue de l’ancienne cité romaine de Tournai, ne lui fournissant pas les forces nécessaires pour mener à bien l’attaque qu’il méditait contre Syagrius, officier romain auquel obéissaient encore, au milieu de la Gaule envahie, la région d’entre Loire et Seine, il associa à son entreprise ses parents, les rois de Térouanne et de Cambrai. Mais il profita seul de la victoire. Syagrius défait, il s’appropria son territoire et employa la suprématie écrasante dont il jouissait désormais sur ses anciens égaux, pour se débarrasser d’eux. Soit par violence, soit par ruse, il les renversa ou les fit périr, fut reconnu par leurs peuples et en quelques années étendit son pouvoir à toute la région que le Rhin encercle de Cologne à la mer. Les Alamans qui, établis en Alsace et en Eifel, menaçaient d’une attaque de flanc le nouveau royaume, furent battus et annexés. S’étant ainsi assuré la possession de toute la Gaule septentrionnale du Rhin à la Loire, le roi des Francs put se consacrer à la conquête de la riche Aquitaine. Elle appartenait aux Wisigoths. Converti au catholicisme depuis 496, Clovis prétexta de leur hérésie pour leur faire la guerre, les battit à Vouillé (507) et porta la frontière jusqu’aux Pyrénées. La Provence le séparait encore de la Méditerranée. Mais Théodoric n’entendait pas laisser le royaume Franc s’étendre jusqu’aux portes de l’Italie, et Clovis dut renoncer à la Provence que Théodoric, pour plus de sûreté, annexa à ses États. Ses fils achevèrent l’œuvre si bien