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et de l’art ; il faut l’étendre à tout le champ de l’activité humaine, telle qu’elle se révèle dans ses manifestations les plus diverses depuis le milieu du xve siècle. Si l’on pense en même temps que cette vie exubérante s’épanche dans une Europe où vient de se former un État nouveau, la Bourgogne, où l’Espagne vient de monter au rang de « grande puissance » et où l’arrivée des Turcs pose en Orient des problèmes redoutables, on appréciera dans toute sa grandeur et son passionnant intérêt le spectacle que fournit l’histoire au moment où, vers 1450, elle se précipite et fait encore ressortir, par la vigueur de sa décision et la netteté de son élan, la confusion et les tâtonnements douloureux de la période précédente.


CHAPITRE PREMIER

TRANSFORMATION DE LA VIE SOCIALE
DEPUIS LE MILIEU DU xve SIÈCLE

I. — L’Italie et son influence

La Renaissance, dans le sens le plus général de ce mot, ne paraît pas être un phénomène plus spécifiquement italien que ne l’a été, à la fin du xie siècle, l’expansion de la vie urbaine. Ni l’une ni l’autre n’auraient pu se répandre si rapidement si les conditions favorables à leur succès n’avaient existé au nord des Alpes. Mais il est vrai que ces conditions, pour l’une comme pour l’autre, ont été en Italie plus hâtives et plus favorables que partout ailleurs. De même que Florence l’a emporté sur toutes les villes du Moyen Age, de même aussi la Renaissance italienne témoigne d’une variété, d’une originalité, d’une vigueur qui n’a été atteinte nulle part et à qui elle doit l’influence étonnante qu’elle a exercée.

C’est que les autorités traditionnelles qui s’imposaient à la vie sociale comme à la vie intellectuelle s’affaiblissent ou disparaissent en Italie beaucoup plus tôt que dans le reste de l’Europe. Et cela est, en grande partie, une conséquence du développement extraordinaire de la vie urbaine. Tout d’abord, la noblesse habitant les villes, y est entraînée dans les conflits incessants de la bourgeoisie, mais aussi prend insensiblement l’habitude de s’intéresser au