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II. — Les Lombards

Mais ces succès étaient plus brillants que durables. En mourant (565), Justinien laissait l’Empire accablé d’impôts écrasants et incapable de nouveaux efforts. Pourtant, la tâche n’était pas achevée. Il restait, si l’on voulait s’assurer la maîtrise de la Méditerranée, à combattre le seul État indépendant qui touchât ses rives, le royaume franc. La côte de Provence, en effet, a été épargnée par les armes de Justinien. C’est une lacune à combler pour achever l’œuvre entreprise et pour la consolider. Mais la Provence soumise, il faudra évidemment pousser plus loin, et afin d’en assurer la conquête, reprendre la politique de César et annexer la Gaule. Alors, appuyé de nouveau aux Alpes et au Rhin, le monde romain groupé autour de la Méditerranée se trouvera, comme jadis, à l’abri de toute invasion. Mais aborder les Francs, c’est se mesurer avec un ennemi autrement redoutable que les précédents.

Comment le successeur de Justinien, son neveu Justin II, aurait-il pu y songer (565-578) ? Non seulement ses finances sont en désordre, mais de nouveaux ennemis viennent d’apparaître sur le Danube. À l’est s’avancent, venant des steppes de la Russie d’où elles ont rejeté les Slaves sur les Carpathes et vers le sud, les hordes furieuses des Avars ; à l’ouest, deux peuples germaniques, les Gépides et les Lombards, occupent le cours moyen du fleuve. À l’autre bout de l’Empire, en Asie Mineure, les Perses prennent sur la frontière une attitude menaçante. Loin de préparer de lointaines entreprises, il importe donc de se consacrer à la défense. Justin crut faire un coup de maître en excitant les Lombards et les Avars contre les Gépides. Le malheureux peuple fut anéanti, mais les Avars occupèrent immédiatement son territoire et les Lombards se sentant les plus faibles leur cédèrent la place. Comme cent ans plus tôt les Ostrogoths, ils prirent leur route vers l’Italie et envahirent la Gaule cisalpine qui depuis lors porte leur nom (568). Les conquêtes lombardes durèrent jusqu’à Rotharis (636-652) qui conquit Gênes et la côte ligure.

Les Byzantins, surpris par l’attaque, ne cherchèrent pas à résister et se réfugièrent dans les villes ; elles tombèrent l’une après l’autre. Ils ne parvinrent à conserver que la côte d’Istrie, la région de Ravenne, le Pentapole, la région de Rome, ainsi que la partie de la Péninsule qui s’étend au sud de Spolète et de Bénévent.