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se hâtait de courir tenir tête à l’ennemi du nord. Le choc menaçant les deux grands États occidentaux était ajourné. Guy de Dampierre abandonné par Édouard qui, en 1299, signait sans l’y comprendre une paix définitive, restait seul pour tenir tête à l’armée française. Elle eut vite fait de conquérir le comté où les Leliaerts désorganisaient la résistance (mai 1300). Le vieux comte fut traité en vassal félon et emprisonné avec ses fils. La Flandre, confisquée, reçut un gouverneur royal. Et son annexion semblait présager à bref délai celle de tous les Pays-Bas. Le comte de Hainaut, Jean d’Avesnes, devenu l’allié intime de Philippe le Bel, héritait des comtés de Hollande et de Zélande et faisait piteusement reculer le nouveau roi d’Allemagne, Albert d’Autriche, qui s’était avancé jusqu’à Nimègue pour les occuper. Déjà, on commençait à considérer en France le cours du Rhin comme la frontière naturelle du royaume. La puissance capétienne était arrivée à son apogée !


II. — La crise


Ces événements furent l’occasion de la crise qui allait porter une atteinte mortelle à ce pouvoir arbitral assez mal défini que la papauté s’arrogeait sur les princes et les peuples, du fait de leur appartenance à l’Église.

Sur le point d’en venir aux prises, Philippe le Bel et Édouard Ier avaient rivalisé de préparatifs militaires et par conséquent de dépenses. L’un et l’autre avaient largement taxé les biens d’Église comme s’il s’était agi d’une Croisade. Des réclamations n’avaient pas manqué de se produire. Rome en avait été avertie et Boniface VIII crut devoir saisir cette occasion de rappeler solennellement aux princes les limites que la théologie assigne au pouvoir temporel. La bulle Clericis laïcos, (25 février 1296), défendait strictement aux laïques d’imposer le clergé sans le consentement du pape, annulait toutes dispenses qui auraient pu être accordées à cet égard, et menaçait de l’excommunication tous les contrevenants. Le texte s’adressait à la chrétienté en général ; ni le roi de France, ni le roi d’Angleterre n’y étaient cités, mais personne ne pouvait douter qu’il ne fut dirigé contre eux. Il ne contenait rien, au surplus, qui s’écartât des principes constamment proclamés par les autorités religieuses. Depuis la fin de l’Empire romain, les immunités financières du clergé n’avaient cessé de s’étendre et étaient depuis des