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LIVRE VII


L’HÉGÉMONIE DE LA PAPAUTÉ
ET DE LA FRANCE AU XIIIe SIÈCLE




CHAPITRE PREMIER

LA PAPAUTÉ ET L’ÉGLISE

I. — Situation de la papauté au xiiie siècle

Entre la bataille de Bouvines qui l’ouvre et le conflit de Philippe le Bel et de Boniface VIII qui le ferme, le xiiie siècle se détache comme une époque caractérisée par la double hégémonie de la papauté et de la France. Soit à part, soit de commun accord, elles déterminent le cours de la politique, tandis que l’une par l’Église qu’elle dirige, et l’autre par la supériorité de sa civilisation, influent profondément sur la vie intellectuelle, morale et sociale. Autant le triomphe de la papauté sur l’Empire a été fatal à l’Allemagne, autant il a été favorable à la France que les circonstances y ont associée.

Il faut encore le redire : ce qui, durant deux siècles et demi a mis aux prises les empereurs avec la papauté, ce n’est pas du tout le souci de défendre le pouvoir temporel contre les empiétements de l’Église. Envisager ainsi la question, c’est transporter en plein Moyen Age des idées et des problèmes qui n’apparaissent qu’aux temps modernes. Ni l’humiliation d’Henri IV à Canossa, ni celle de Frédéric Barberousse à Venise, ni celle d’Othon IV à Bouvines, ne furent l’humiliation de la puissance civile devant l’arrogance sacerdotale. En réalité, le conflit n’était pas un conflit de l’État contre l’Église ; il était une lutte intestine dans l’Église même. Ce que les empereurs voulaient, c’était forcer les papes à les reconnaître comme gouvernant l’Église universelle, qu’ils se réclamas-