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Ricimer, Oreste, Odoacre se mirent successivement à la tête des soldats et des aventuriers germains qui, depuis la catastrophe des Huns, affluaient en Italie, avides de terres.

Les derniers empereurs sont déposés ; le tout dernier, Romulus Augustule, fils d’Oreste, est relégué en Campanie et le barbare Odoacre, n’osant se donner le nom d’empereur, se fait attribuer le seul titre dont les Germains disposent, celui de roi.

C’est au milieu de ce lamentable désordre que descend des Alpes un autre roi, conduisant derrière lui tout un peuple, Théodoric. Les Ostrogoths qui le suivent, après avoir été repoussé du Dniester vers le Haut-Danube par Attila, puis soumis par lui, ont profité aussi de leur affranchissement pour réclamer leur part d’Italie. Entre eux et la cohue désorganisée qui reconnaît Odoacre, la fortune ne balance pas longtemps. L’aventurier hérule, vaincu en rase campagne (488), se réfugie dans Ravenne. Ne parvenant pas à achever le siège, Théodoric l’invite, sous la foi du serment, à une entrevue et le tue de sa main (493). Désormais l’Italie lui appartient. C’est la dernière vague de l’invasion qui s’étale. Tout l’Empire, en Occident, est maintenant englouti sous elle. Une bigarrure de royaumes couvre toutes ses provinces : royaumes anglo-saxons en Bretagne, royaume franc au nord de la Gaule, royaume burgonde en Provence, royaume wisigoth en Aquitaine et en Espagne, royaume vandale en Afrique et dans les îles de la Méditerranée, royaume ostrogoth enfin en Italie. À vrai dire, cet Empire dont le territoire est ainsi dépecé, n’a pas cédé un pouce de son sol à ses envahisseurs. En droit, ils ne sont que des occupants et leur titre royal ne compte que pour les peuples qu’ils ont amenés avec eux. Cela est si vrai que, quoique chacun d’eux règne sur un bien plus grand nombre de Romains que de Germains, ils ne s’intitulent ni roi de Gaule, ni roi d’Italie, mais roi des Francs, roi des Ostrogoths, etc. Mais quoi ? Il n’y a plus d’empereur. Et l’Empire disparaît, peut-on dire, en vertu de cet adage du droit romain, qu’« en matière de possession, occupation vaut titre ».


II. — Les nouveaux États


Si l’on compare une carte de l’Empire romain en Occident avec une carte linguistique de l’Europe moderne, on constate que le domaine des langues germaniques ne s’est agrandi que très faiblement dans cet Empire pourtant tout entier aux mains des Germains.