L’envoi d’une bannière par le pape donnait à l’expédition une couleur de guerre sainte qui contribuait à augmenter l’ardeur de l’armée.
N’ayant pas de flotte, les Anglo-Saxons ne purent s’opposer à son débarquement. Elle prit terre sur la place d’Hastings le 13 octobre 1066 et marcha le lendemain à l’ennemi. Harold s’était établi sur la colline de Senlac, retranché derrière des palissades qui obligèrent les Normands à combattre à pied. Après un rude choc corps à corps, leur victoire fut complète. Harold resta parmi les morts ; ceux qui ne périrent pas dans le combat comprirent qu’une plus longue résistance était inutile. La journée avait donné l’Angleterre à Guillaume. Quelques semaines plus tard, il se faisait couronner dans l’abbaye de Westminster et, pour prendre possession du reste du royaume, il n’eût qu’à le parcourir. Les Anglo-Saxons, qui avaient si longtemps lutté contre l’invasion scandinave, se courbèrent du premier coup sous l’invasion normande.
II. L’invasion
L’invasion fut, en effet, la conséquence de la conquête, et il
n’en pouvait être autrement. Pour garder son royaume auquel
il était complètement étranger et dont il ne connaissait pas même
la langue, Guillaume était obligé d’y maintenir des Normands en
garnison permanente, ce qui, dans les circonstances économiques
de l’époque, ne pouvait se faire qu’en les éparpillant au milieu
de la population conquise, en qualité de gendarmes de la couronne.
Cet éparpillement des vainqueurs au milieu des vaincus ressemble
de très près à la colonisation de la Gaule du sud, de l’Espagne
et de la vallée du Rhône par les Wisigoths et les Burgondes du
Ve siècle. Mais le résultat en fut bien différent. Tandis que les
barbares au contact d’une population infiniment plus policée
qu’ils ne l’étaient eux-mêmes, se romanisèrent tout de suite, les
Normands ne se fondirent qu’à grand’peine dans la masse anglo-saxonne
qui les entourait. La cause principale en est évidemment
la supériorité de leur civilisation. A cela s’ajoute l’afflux constant
de forces fraîches qui, jusqu’à la fin du xiie siècle, leur vint non
seulement de la mère patrie, mais aussi, à partir de la dynastie
des PIantagenêts, du Poitou et de la Guyenne. L’influence de la
cour qui, jusqu’à la fin du xve siècle, resta toute française de langue
sinon de mœurs, ne fut pas non plus sans exercer une action