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l’ouest. Les pays qui s’offraient à leurs entreprises n’étaient pas, comme l’Empire byzantin ou l’Empire arabe, des États florissants, couverts de villes et promettant de fructueux profits commerciaux, mais des régions purement agricoles n’ayant rien à vendre ni à acheter. Aussi, tandis que les Suédois se trouvant en rapports avec des sociétés économiquement très avancées, cherchent avant tout à trafiquer avec elles, les Danois et les Norvégiens apparaissent-ils, soit comme des pirates et des pillards, soit comme des coureurs de la mer[1].

En même temps qu’ils assaillent les côtes du sud et de l’ouest, leurs bateaux explorent les eaux du nord. Des Norvégiens s’installent de bonne heure aux îles Feroë, découvrent l’Irlande en 874, la colonisent et, un siècle plus tard, s’avanceront de là jusqu’à la côte du Groenland. Mais c’est naturellement vers les régions européennes qu’ils sont surtout attirés par l’espoir du butin. L’Angleterre fut la première à supporter leurs attaques. Dès 783, un débarquement a lieu dans le Northumberland où les monastères de Lindisfarne et de Jarrow sont pillés et brûlés. Depuis lors, les incursions se succèdent, de plus en plus nombreuses et vigoureuses. Les rois anglo-saxons ne parviennent pas à repousser les envahisseurs. Au milieu du ixe siècle, la plus grande partie de la région orientale de l’île leur appartient, et en 878 Alfred le Grand est obligé de leur abandonner par traité le pays situé à l’est d’une ligne tirée de Londres à Chester, et qui fut longtemps désigné depuis lors sous le nom de Danelaw. L’Irlande n’échappe pas davantage à l’envahissement scandinave. Dublin fut, depuis le milieu du ixe siècle, et resta jusqu’au commencement du xie, une espèce de colonie normande. De ces postes insulaires, les hardis aventuriers se lançaient audacieusement vers le sud. Ils infestèrent les côtes du Portugal et de l’Espagne où ils attaquèrent Lisbonne et Séville (844), passèrent le détroit de Gibraltar, pillant Algésiras et les Baléares, s’avancèrent jusqu’aux bouches du Rhône, et débarquèrent parfois, rivaux lointains des pirates musulmans, sur les côtes italiennes. L’Empire franc par son voisinage, l’étendue de son littoral et le grand nombre de fleuves profonds qui y débouchent, devait avoir, et eut en réalité, le plus à souffrir des Normands. Depuis le règne de Louis le Pieux jusqu’au commencement du

  1. Les Russes attaquèrent d’ailleurs Constantinople en 865, 907, 941, 944, 1043.