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fut garanti par la publicité imposée aux séances des Conseils. Chaque commune, quelle que fût son étendue ou sa population, fut organisée suivant les mêmes principes : il n’exista plus rien de la différence entre villes et campagnes qu’avait instituée le système hollandais. Vis-à-vis de l’État, les autorités locales se trouvèrent placées dans la situation de pouvoirs considérés tout ensemble comme autonomes et comme délégués de l’autorité centrale. Le gouvernement eût souhaité l’accentuation de ce second caractère. Il aurait voulu posséder le droit de nommer les bourgmestres et les échevins en dehors des Conseils communaux, de dissoudre ces derniers et d’annuler leurs actes. Il fut impossible d’arracher aux Chambres de si larges concessions. Elles n’accordèrent que la désignation du bourgmestre et des échevins dans le sein du Conseil et la faculté de les suspendre ou de les révoquer sur avis de la Députation permanente de la province. L’autonomie communale, moyennant ces réserves, fut mesurée si largement qu’on a pu la qualifier sinon d’illimitée, au moins d’indéfinie[1].

En fait, dans les grandes villes, les Conseils urbains furent des parlements locaux avec lesquels le gouvernement évita toujours d’entrer en conflit. Le droit conféré aux bourgmestres de convoquer la garde civique, mit en cas de besoin une force armée à leur disposition. La vie politique de la commune fournit ainsi une image réduite de celle de l’État. C’est elle qui entretint parmi la bourgeoisie un sentiment civique aussi remarquable par sa vigueur qu’il fut souvent étonnant par son étroitesse.

L’insignifiance du rôle des provinces dans la loi organique du 30 avril 1836, frappe davantage si on le compare à la liberté si largement dispensée aux communes. C’est que, depuis la conquête française, l’antique autonomie provinciale, restée jusqu’alors tellement robuste qu’elle faisait en réalité de la Belgique un État fédératif, avait disparu sans retour. La division du pays en neuf départements administratifs établie en 1795, avait survécu à la chute de l’Empire. Car le gouverne-

  1. P. Errera, op. cit., p. 441.