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aux illusions de la bonne volonté, et, dès qu’on arrive à l’application des principes, on voit ces libéraux se séparer en camps hostiles. Les Chambres retentissent chaque année de disputes de plus en plus passionnées entre défenseurs de l’Église et défenseurs du pouvoir civil. Mais ce ne sont là que les prodromes vite dissipés d’un orage encore lointain. En réalité, la constitution unanimement admise plane au-dessus de toutes les atteintes. Personne non seulement ne souhaite, mais n’ose même croire que l’esprit de parti puisse jamais prétendre à l’interpréter. Quel contraste, si l’on compare l’adhésion sans réserve qu’elle rencontre chez les catholiques à leurs attaques de 1815 contre la loi fondamentale ![1]. « J’affirme, dira Dechamps en 1837, et ma position me met à même de le faire de source certaine, j’affirme que si demain les catholiques avaient de la part des principales fractions du libéralisme, la garantie formelle et assurée, que jamais elles ne porteraient atteinte aux libertés religieuses, ils abandonneraient la lutte électorale à qui voudrait s’y jeter »[2]. Et Dumortier, de son côté, proteste qu’il n’entend appartenir à aucun parti « si ce n’est, ce qui n’est rien dire, au parti qui veut la liberté de la religion »[3].

L’« unionisme » du Parlement, bien loin de n’être qu’une tactique imposée par les périls qui menacent le pays de l’extérieur, provient donc aussi, s’il ne provient davantage, du respect et de l’amour dont la constitution est l’objet. Ils sont si profonds et si généraux qu’on peut se demander s’ils ne constituent pas la meilleure garantie de l’indépendance qui, chez la plupart des Belges, se justifie plus encore par le sentiment civique que par le sentiment national.

Pour le gouvernement, cet « unionisme » que le pays a imposé aux Chambres fut à la fois une force et une faiblesse. Il fut une force parce que, aucune majorité n’existant dans ce

  1. Histoire de Belgique, t. VI, p. 258.
  2. S. Balau, Soixante-dix ans d’histoire contemporaine de la Belgique, p. 78 n. (Louvain, 1890). Cf. E. de Moreau, Adolphe Dechamps, p. 105 et suiv. (Bruxelles, 1911).
  3. L. Hymans, Histoire parlementaire, t. I., p. 336.