Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prises industrielles ont enrichis sous la République et sous l’Empire. Du royaume des Pays-Bas, ce qu’ils regrettent c’est l’intelligente politique qui a soutenu et développé les manufactures, ouvert des débouchés nouveaux au commerce, fondé la Société Générale, restauré la prospérité d’Anvers. Ils ont en horreur la révolution qui a mis fin à l’essor économique dont ils ont été les heureux bénéficiaires. Ils appellent de tous leurs vœux le gouvernement fort qui remettra sur pied les affaires si lamentablement compromises par l’anarchie. Ils comprennent d’ailleurs qu’une restauration pure et simple est devenue impossible et, à vrai dire, ils ne la souhaitent pas. Ils n’aspirent qu’à une situation qui, en conservant à la Belgique son autonomie interne et son administration séparée, la replacerait cependant sous l’autorité du roi légitime et lui rendrait les avantages d’une union douanière avec la Hollande[1]. En cela tous sont d’accord. Fabricants de Gand, métallurgistes de Liège pensent de même et agissent de concert.

La communauté de leurs desseins se renforce encore de la communauté de leur anticléricalisme. Pour eux comme pour les Dotrenge et les Reyphins dont ils continuent la tradition, l’Église, ou pour mieux dire le clergé, ne peut être libre que par l’asservissement de l’État. Ils ne pardonnent pas aux prêtres d’avoir fait cause commune avec les absurdes parlementaires libéraux qui ont renversé la monarchie « éclairée » pour lui substituer la monarchie républicaine votée par l’aberration des gens du Congrès. Dans les loges maçonniques instituées sous Guillaume et où ils continuent à dominer, on ne conçoit l’Église que comme une institution acharnée à rétablir l’Ancien Régime sur les ruines de la société moderne, et dont la liberté est incompatible avec l’existence de l’État. Ainsi, les Orangistes ne sont pas seulement liés par les intérêts, ils ont une doctrine. Et en dépit de leur petit nombre, ils en tirent une force d’autant plus grande qu’elle s’appuie sur celle de l’argent.

Leur propagande, en effet, jouit de ressources qui font déplorablement défaut à leurs adversaires. Grâce aux subven-

  1. Gedenkstukken, loc. cit., t. V, p. 40.