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Comme il arrive toujours, le mécontentement et l’inquiétude tournaient au profit des partis d’opposition. La propagande républicaine était à vrai dire plus bruyante que redoutable. Il en aurait été autrement si elle avait su exploiter la défiance de la bourgeoisie à l’égard du pouvoir royal, défiance que les derniers événements lui eussent permis sans peine d’exciter. Nul sentiment royaliste n’existait dans ce pays qui depuis le xvie siècle n’avait eu pour souverains que des étrangers, et la république ne pouvait effrayer une nation qui l’avait proclamée en 1789 dans son insurrection contre Joseph II. La constitution telle que le Congrès l’avait faite, n’était-elle pas d’ailleurs toute imprégnée d’esprit républicain ? Mais la république à laquelle beaucoup de bourgeois adhéraient en principe n’était qu’une forme ultra-libérale de l’État et ce n’était pas une simple réforme politique qu’espéraient les républicains.

Catholiques comme Bartels, libres-penseurs comme De Potter, révolutionnaires de tempérament comme Gendebien, tous professaient en commun le même amour pour le peuple et la même volonté de le soustraire au pouvoir des classes dirigeantes. Le jacobinisme et les tendances socialisantes des uns s’accordaient en un même idéalisme démocratique au catholicisme menaisien des autres. Mais cet idéalisme même fit leur faiblesse. S’il provoqua l’enthousiasme de quelques jeunes gens, il effraya bientôt la bourgeoisie et la poussa à défendre le trône pour se défendre elle-même. Elle ne vit plus en eux que des « anarchistes ». Elle revint très rapidement de la sympathie qu’avait excitée parmi elle les prédications entreprises à Bruxelles et dans quelques grandes villes par les Saint-Simoniens en 1831. Et dès lors, les républicains ne menèrent plus qu’une agitation stérile. Car, abandonnés par la bourgeoisie, ils cherchèrent vainement à se rallier le peuple qu’ils voulaient affranchir.

Trop ignorant pour comprendre leur langage et trop religieux pour ne pas se résigner à son sort, il ne répondait à leurs avances que par une morne indifférence. Il s’abandonnait, comme depuis si longtemps, à la direction traditionnelle du clergé et des puissances sociales. On rencontrait encore dans