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CHAPITRE II

LE PAYS ET LE GOUVERNEMENT JUSQU’EN 1839


I


Lorsque Joseph Lebeau proposa au Congrès l’élection du prince Léopold de Saxe-Cobourg ni lui, ni ses collègues, ni d’ailleurs personne en Belgique ne connaissait le futur roi. Son nom n’était qu’un symbole politique. On ne le prononçait que pour se concilier les Puissances et pour fonder enfin la monarchie qui sauverait le pays des agitations au milieu desquelles il s’épuisait. La personne du monarque importait peu. Quel qu’il fût, on ne lui demandait que d’accepter la couronne. L’assemblée révolutionnaire qui se « donnait un roi au scrutin » ne se préoccupait pas de savoir comment il exercerait le gouvernement. La constitution n’y avait-elle pas pourvu ? Ce qu’on attendait de lui, c’était seulement, en occupant le trône, de stabiliser l’État en face de l’Europe. On voulait un souverain, un souverain quelconque, pourvu qu’il fût reconnu. On n’avait pas à s’inquiéter du reste, ne concevant guère un roi constitutionnel que sous les apparences d’un roi fainéant.

Or, il se trouva que Léopold convenait aussi bien au rôle qu’on lui destinait qu’à celui qu’on ne lui destinait pas. Placé en face de la tâche doublement délicate de mettre en œuvre une constitution dont le libéralisme semblait devoir énerver le