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semée dans ses cadres par l’or hollandais. Le ministre de la guerre, le général de Failly, nommé par le Régent et conservé par Léopold, ne se distinguait que par son inertie et son incapacité. Quant à la disposition des troupes, elle était comme faite à dessein pour favoriser l’ennemi. Leur faible effectif de 24.000 hommes était réparti entre deux armées trop éloignées pour pouvoir se donner la main, la première, dite armée de la Meuse, sous Daine, occupait le Limbourg, la seconde, dite armée de l’Escaut, sous Tieken de Tenhove, se groupait autour d’Anvers, dont la citadelle était toujours occupée par le général Chassé.

Le 2 août, celui-ci dénonçait brusquement l’armistice conclu au mois de septembre ; deux jours plus tard l’armée hollandaise envahissait la Campine. Elle eut vite fait de repousser les avant-postes de la frontière et, sans doute, si elle avait marché plus rapidement pour séparer les deux armées belges, elle les eût enfoncées sans peine au premier choc. Mais ses recrues manquaient d’endurance et d’élan. C’étaient, disait le prince d’Orange, « des bourgeois fort raisonneurs, habillés en militaires[1] ».

Léopold s’attendait si peu à une attaque, qu’il avait commencé tout de suite après son inauguration, à visiter les principales villes du pays. C’est à Liège qu’il apprit le péril qui fondait sur cette Belgique qu’il était appelé à défendre avant même de la connaître. Il ne savait que trop dans quel désarroi elle se trouvait. Sans hésiter, il demanda aussitôt l’appui de la France et de l’Angleterre en dépit de l’article de la constitution subordonnant l’entrée d’une armée étrangère au vote d’une loi. Les illusions de ses ministres étaient si grandes qu’ils s’opposèrent aussitôt à cette mesure de salut public. L’armée du maréchal Gérard, que Louis-Philippe, trop ravi de l’occasion de se mêler des affaires de Belgique pour ne pas faire diligence, venait de pousser en toute hâte dans le Hainaut, s’y vit accueillie par les protestations des autorités.

Cependant si les Hollandais avançaient sans hâte, ils avan-

  1. Gedenkstukken, loc. cit., t. III, p. 480.