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odieuse qu’à Bruxelles, ils ne parvenaient pas même à recruter des harangueurs flamands pour l’exciter[1]. Les riches et les industriels qui menaient le mouvement cherchaient vainement à exploiter le chômage et le marasme des affaires. On se riait des fabricants menaçant de fermer leurs usines si Guillaume n’était pas rappelé ; à Anvers, les salaires ayant été diminués de 50 pour cent, les ouvriers accusèrent les Orangistes d’avoir inventé ce moyen de provoquer une contre-révolution[2]. Partout l’exaspération des masses se soulevait contre eux. Des émeutes éclataient dans les villes manufacturières[3]. Les hôtels Orban et de Macar étaient pillés à Liège ; à Gand, on « martyrisait » sur le marché du Vendredi un industriel connu pour son attachement à Guillaume.

En face des machinations orangistes, d’ailleurs, la résistance du peuple fut secondée par la partie la plus énergique de la bourgeoisie. L’Association nationale fondée à Bruxelles le 23 mars, appela les Belges aux armes contre la dynastie exclue par le Congrès de ce trône que ses partisans prétendaient lui rendre[4]. Sans doute le manifeste qu’elle publia le 27 trahit encore l’espoir, à peine dissimulé, de combattre pour la république en combattant pour Guillaume. « Avec un chef imposé ou seulement indiqué par l’étranger, notre indépendance ne serait qu’une chimère et notre révolution que du temps et du sang perdus. Soyons Belges et finissons notre révolution comme nous l’avons commencée : par nous-mêmes ». C’était là tout à la fois un langage de têtes chaudes et d’hommes de cœur. S’il poussait à une lutte impossible contre l’Europe, il raffermit du moins les courages chancelants et ranima la confiance. Le lendemain, le Régent renvoyait son

  1. Gedenkstukken, loc. cit., t. IV, p. 479.
  2. Ibid., p. 439.
  3. Huyttens, Discussions, t. III, pp. 6, V, 172 ; Gedenkstukken, loc. cit., t. III, p. 472. Sur la participation de Gendebien à sa formation, voy. Jules Garsou, Alexandre Gendebien, sa vie, ses mémoires (Bruxelles, 1930).
  4. Elle avait pris pour modèle l’Association nationale créée à Paris dans les derniers jours du ministère Laffilte par les « patriotes », pour combattre à outrance l’étranger et les Bourbons. Thureau-Dangin, Monarchie de juillet, 2e édit., t. I, p. 415.