Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire, il semble bien qu’il se soit contenté de le bâcler. Pour s’épargner l’embarras du choix, il le composa des administrateurs généraux des divers comités que le Congrès avait chargés du pouvoir exécutif. Par hasard, ils étaient tous libéraux. On leur adjoignit dans la personne de de Gerlache, qui d’ailleurs résilia tout de suite ses fonctions, un catholique hors cadre et sans portefeuille.

Ainsi fait, le ministère était « un méli-mélo » si divisé de tendances, qu’il ne se trouvait pas même d’accord sur la constitution. À côté de modérés comme van de Weyer, Tielemans, Goblet et Charles de Brouckère, le fougueux Gendebien y affirmait bruyamment ses convictions républicaines et cherchait à profiter de l’occasion pour les faire triompher. Appuyé au dehors par de Potter et ses partisans, il aspirait visiblement à une entente avec les révolutionnaires de Paris[1]. La guerre immédiate qu’il prêchait contre la Hollande devait, pensait-il, leur permettre de pousser le faible gouvernement de Louis-Philippe à une intervention qui eût tourné en guerre de propagande et instauré la république en France et en Belgique. Ses excitations étaient d’autant plus dangereuses que, dans le désarroi général et au sein de la crise économique qui sévissait de plus en plus, le découragement ou l’intérêt poussaient bien des esprits à ne voir le salut que dans une réunion à la France. Un journal publié à Mons par une société de négociants et de charbonniers, L’Éclaireur, la réclamait ouvertement[2] et ce qu’il disait tout haut, nombreux étaient ceux qui le murmuraient en conversation et jusque, pensait-on, dans le conseil des ministres et dans l’hôtel du Régent[3].

C’est sans doute pour décider la France à la guerre que Gendebien fit lancer par celui-ci l’incroyable proclamation du 10 mars. Sous l’apparence d’une exhortation aux Luxembourgeois, elle n’était rien moins qu’une provocation directe à l’Europe. « Nous avons commencé, disait-elle, notre révolu-

  1. Belliard, Mémoires, t. II, p. 225.
  2. A. Warzée, Essai historique et critique sur les journaux belges (Gand, 1845), p. 203.
  3. Gedenkstukken, loc. cit., t. III, p. 671.