ses allures, qui n’était pas exempte de quelque affectation, lui avait valu tout de suite cette sorte de popularité que le peuple accorde si facilement à ceux qui ne lui en imposent pas. Un journal faisait son éloge en disant qu’on l’avait vu se promener en sarreau bleu à la foire de Beaucaire. Il n’avait d’autre titre politique que d’avoir siégé vers la fin de l’Empire au Corps Législatif et aux États-Généraux sous le roi Guillaume, qui lui avait octroyé son titre de baron. Les électeurs ne l’avaient envoyé au Congrès que par affection. Ses collègues lui en avaient, pour le même motif, confié la présidence. On se rappelait surtout les bons mots qu’il y avait prononcés. Comment cet homme si simple et complètement dénué de vanité, se résigna-t-il à accepter les responsabilités écrasantes qu’il assumait avec la régence ? Il n’avait pas même foi dans l’avenir du pays. Lebeau lui reproche « d’être tiède en matière de révolution » et de n’avoir confiance que dans la France. Il semble bien en effet, s’être laissé guider par les conseils du général Belliard, le remplaçant de Bresson à Bruxelles, qui ne l’appelle dans ses lettres, avec un dédain affectueux, que « le bon régent », le « brave régent », « le bon et brave régent ». Du moins, conscient de son insuffisance, prit-il le parti de faire parler de lui aussi peu que possible. Il s’installa modestement dans un petit hôtel de la rue Latérale (aujourd’hui rue Lambermont), avec sa gouvernante, n’ouvrant sa porte qu’à quelques intimes. Les 10.000 florins de liste civile qu’il recevait par mois suffirent plus qu’amplement à sa dépense. À défaut d’autre mérite, son gouvernement eut celui du bon marché.
Personnellement, Surlet de Chokier appartenait à l’opinion libérale. Les catholiques dominant par le nombre dans le Congrès eussent voté pour Félix de Mérode, si celui-ci l’avait voulu. Pas plus que Surlet il ne posa sa candidature : quarante-trois voix seulement se portèrent sur son nom. Surlet en obtint cent-huit. Si fâcheuse qu’elle fût, son élection eut du moins cet avantage de ne pouvoir passer pour un coup de parti et d’affirmer une fois de plus l’unionisme de l’assemblée.
Le lendemain de son inauguration, le Régent constitua le premier des ministères de la Belgique indépendante. À vrai