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Grégoire[1] purent entrer à Gand sans coup férir, grâce à la complicité des chefs de la garnison, il suffit de l’intervention des pompiers courant spontanément aux armes pour les disperser. L’entreprise si soigneusement montée sombrait dans le ridicule[2].

Cet échec n’interrompit cependant pas les menées des Orangistes. Impuissants par eux-mêmes, ils recevaient de l’appui que leur accordait manifestement lord Ponsonby, l’agent à Bruxelles du gouvernement anglais, une importance politique considérable[3]. Soutenir l’orangisme était à ses yeux le seul moyen efficace de ruiner aussi bien la cause de Leuchtenberg que celle de Nemours. Son but n’était pas d’amener le rétablissement du royaume des Pays-Bas. Conformément aux vues de la Conférence, il voulait l’indépendance de la Belgique, mais il la voulait sous le prince d’Orange, ne voyant pas d’autre moyen de la garantir contre les convoitises françaises.

Cependant le gouvernement de Paris retirait au même moment son appui à ce prince dont les Belges refusaient d’entendre parler. Sa grande affaire était d’empêcher l’élection de Leuchtenberg qui, devenu roi des Belges, eût été immédiatement salué par les bonapartistes français comme un nouveau roi de Rome. Il savait que ceux-ci n’épargnaient rien pour promouvoir le succès du mélancolique jeune homme, si peu mêlé lui-même à l’agitation déchaînée autour de son nom, que, dans sa lointaine garnison bavaroise d’Eichstädt, il ne recevait même pas les journaux de Bruxelles[4]. Mais les

  1. Sur cet aventurier originaire de Charleville et établi à Liège comme médecin au moment de la révolution de 1830, voy. une curieuse notice d’Ad. D[ubois], dans la Flandre judiciaire du 15 décembre 1897.
  2. La grande prospérité industrielle de Gand sous le régime hollandais y avait, par les fabricants, généralisé l’orangisme dans la bourgeoisie. En décembre 1830, la Société industrielle y avait organisé un pétitionnement contre le « morcellement » du pays. P. Claeys, Histoire du théâtre à Gand, t. II, p. 365.
  3. D’après Gendebien, il aurait entrepris plus de cinquante membres du Congrès. Huyttens, Discussions, t. III, p. 208. Sur son attitude voy. les curieux détails publiés par A. De Ridder dans la Revue Catholique des idées et des faits, 29 novembre et 6 décembre 1929, où il se disculpe du reproche d’avoir travaillé pour Leuchtenberg.
  4. Voy. l’article du comte H. d’Ursel sur la candidature du duc de Leuchtenberg, dans la Revue Catholique des idées et des faits, 1929, p. 7 et suiv.