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l’Europe se résignât à l’indépendance que les Belges s’étaient arrogée sans la consulter, il fallait qu’elle se fît elle-même le garant de cette indépendance intempestive afin d’en empêcher la confiscation au profit de quelque puissant voisin. Cette clef de voûte de l’équilibre européen que formait la Belgique depuis les grandes guerres du xviie siècle, devait être définitivement scellée par l’effort collectif des Puissances. Neutre, elle ne tenterait plus personne et serait une protection pour tous[1]. Et le régime qu’on lui réservait lui serait une protection contre elle-même en lui interdisant toute velléité d’attaquer la Hollande. Dès le 15 novembre, Matuszewic écrivait à Nesselrode que le vrai moyen de sauvegarder le repos de l’Europe serait que les Puissances « garantissent en commun l’existence du royaume belge et déclarent qu’aucune d’elles ne pourra en aucun cas l’envahir ou l’annexer sans le consentement des quatre autres[2] ». Il faut convenir que, dans les circonstances où l’on se trouvait, c’était la seule solution possible, solution vraiment européenne, solution de paix et que la Conférence fut si heureuse d’avoir trouvée qu’elle la qualifia de « bienfait ». On ne pouvait se dissimuler d’ailleurs que c’était au fond une précaution prise contre la France. En 1815, on avait voulu lui opposer un État assez fort pour pouvoir lui tenir tête ; en 1831, on se proposa de ne la contenir que par un État dont la faiblesse pourrait d’autant moins l’inquiéter qu’elle serait appelée elle-même à le défendre en cas d’agression.

Le principe de la neutralité perpétuelle et garantie fut inséré dans le texte fixant les « bases de séparation » entre la Belgique et la Hollande que la Conférence promulgua les 20-27 janvier 1831. Le nouvel État devait comprendre tous les territoires qui avaient formé le royaume des Pays-Bas, à l’exception de ceux qui, avant 1790, appartenaient à la République des Provinces-Unies. Exception cependant était faite pour le grand--

  1. C’est ce que Kaunitz avait fort bien compris en 1787 lors du projet de Joseph II de constituer la Belgique en État indépendant au profit du duc de Deux-Ponts, Voy. Histoire de Belgique, t. V, 2e édit., p. 232.
  2. Gedenkstukken, loc. cit., t. III, p. 423.