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il comptait sur elle comme si elle avait été gouvernée par le général Lamarque au lieu de l’être par Louis-Philippe. Pour les diplomates qui les voyaient faire, ces Belges n’étaient que des brouillons, des novices, des ignorants dangereux. À Londres, les allures bourgeoises de leurs délégués détonnaient dans les salons des grandes dames, égéries de la Conférence. La duchesse de Dino raillait « leur petite éloquence républicaine », et la grande idée qu’ils se faisaient de leur importance[1].

Ce qui a sauvé la révolution belge de la catastrophe où a sombré la révolution brabançonne, c’est qu’elle s’est appuyée jusqu’au bout sur cette union des partis qui l’avait rendue possible. En dépit des imprudences, des intempérances et des bravades, elle a permis à la nation de tenir tête à l’Europe qui la méprisait, et de lui imposer finalement la reconnaissance de son indépendance qu’elle avait proclamée sans en demander l’autorisation. Sans doute, au cours des péripéties par lesquelles le pays devait passer avant la conclusion des traités de 1839, l’opinion tiraillée en sens divers fut presque constamment en état de crise. Si grande et si grave qu’elle ait été pourtant, la divergence des tendances ne se manifesta que parmi les individus ; elle n’alla jamais jusqu’à opposer au sein du Congrès, le bloc catholique et le bloc libéral. À aucun moment ils ne luttèrent l’un contre l’autre comme l’avaient fait jadis les Vander Nootistes et les Vonckistes[2]. Aussi longtemps que les destinées de la Belgique furent en question, ils restèrent fidèles à l’entente conclue en 1828. Leurs votes contradictoires ne provinrent que de la différence des convictions personnelles ; ils ne s’expliquent en rien par des considérations de partis.

Dès le 20 décembre 1830, la Conférence en constatant que l’« amalgame parfait et complet que les Puissances avaient voulu opérer entre la Belgique et la Hollande n’avait pas été obtenu », et en se déclarant disposée à reconnaître « l’indé-

  1. Revue des Deux-Mondes, 1910, t. LVI, p. 336.
  2. Voy. Histoire de Belgique, t. V, 2e édit., p. 472 et suiv.