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C’est qu’il eût fallu à l’Europe, pour balayer ces Belges qui la bravaient, l’union qui avait fait leur succès. Divisée par ses intérêts et ses tendances, elle se trouvait paralysée en face d’eux, chacun tremblant d’affronter la responsabilité d’une intervention qui eût déchaîné aussitôt la guerre générale. Mais si l’on devait renoncer à éteindre l’incendie, du moins pouvait-on le circonscrire. Au lieu de recourir aux armes, on mit en mouvement la diplomatie.

Dès avant l’ouverture de la Conférence de Londres, le 4 novembre 1830, son programme lui était imposé par la situation internationale : résoudre la question belge en évitant la guerre. Pourtant, se résigner à procéder de la sorte, c’était, quoiqu’on en eût, reconnaître le fait accompli. Les trois Puissances absolutistes, la Russie, l’Autriche et la Prusse espéraient bien d’ailleurs que tout cela finirait par une restauration. Le tsar n’acceptait même la Conférence qu’à contre-cœur, et sans l’explosion de la révolution polonaise (29 novembre 1830), peut-être eût-il envoyé malgré tout une armée à la rescousse de Guillaume. Seules la France, encore frémissante des journées de juillet, et l’Angleterre, où les élections venaient d’amener au pouvoir le Cabinet libéral de lord Grey (20 novembre), reconnaissaient, au moins en paroles, le droit des Belges de se donner un gouvernement de leur choix.

Elles étaient loin cependant d’une entente que les conjonctures politiques ne permettaient pas. Avant l’avènement du ministère Casimir Périer (13 mars 1831), Louis-Philippe ne cesse d’être tiraillé entre son désir de conserver la paix et sa crainte de l’agitation bonapartiste et républicaine qui exigeait bruyamment l’annexion de la Belgique. Ne cherchant qu’à se maintenir sur son trône encore chancelant, il s’ingénie tout à la fois à se concilier la confiance des souverains en affichant son désintéressement et à ne pas s’aliéner les démocrates parisiens férus d’une guerre de propagande qui eût été en même temps une guerre de revanche contre l’Europe. De là les contradictions, l’ambiguité et le manque de franchise de sa conduite. Il voudrait avoir une satisfaction à offrir à l’opinion. Pendant qu’il laisse Talleyrand affirmer à la Conférence la complète