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prenait en même temps des mesures douanières qui avaient pour résultat le renchérissement de l’existence. À la demande des propriétaires fonciers, une loi de 1838 adoptait le système de l’échelle mobile pour maintenir le haut prix des céréales. Toutes sortes d’industries obtenaient du Parlement des relèvements de taxes. En 1844, on édictait, dans le vain espoir de provoquer la création d’une marine nationale, des droits différentiels suivant que les marchandises seraient exportées directement ou non du pays producteur, et suivant le pavillon des navires. Dans ces conditions, le protectionnisme faisait perdre d’une part à l’industrie les avantages que l’avance prise sur l’étranger, grâce aux progrès de la circulation, lui assurait de l’autre. Dès lors, ce n’était que moyennant la réduction des salaires qu’elle pouvait conserver ses débouchés à l’extérieur. Elle en était réduite pour vivre à affamer la classe ouvrière, et malgré tout elle vivait dans le malaise. Un tel état de choses n’était évidemment pas durable. Déjà, en 1843, l’enquête sur la condition des travailleurs avait indiqué les droits frappant l’importation du bétail et des céréales comme une des causes principales de la misère du peuple. Quoi qu’on en eût, il avait bien fallu les suspendre ou les atténuer pour remédier à la catastrophe déchaînée sur les Flandres par la crise linière et pour parer à la disette de 1845.

Ainsi la force même des faits condamnait le système protecteur qui avait été incapable d’empêcher la ruine de la toilerie flamande et qui entravait le ravitaillement d’une nation trop nombreuse pour trouver sur son propre territoire les aliments indispensables à sa subsistance. Il apparaissait d’ailleurs aux libéraux comme une survivance de l’Ancien Régime, comme un privilège anti-démocratique, comme une atteinte portée au droit naturel. Et en cela les socialistes pensaient comme eux. Les industriels les plus entreprenants et les mieux outillés souhaitaient aussi une réforme que redoutaient seuls les grands propriétaires fonciers et les fabricants les plus timides ou les plus routiniers. À tous les novateurs, l’Angleterre montrait la voie à suivre. Ils applaudissaient la propagande libre-échangiste de Cobden et les lois récentes du ministère Peel sur le commerce