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nistre de France « avec une mansuétude un peu triste », comme « une sorte d’intermédiaire naturel entre les différents Cabinets de l’Europe, pour concilier, pour rapprocher, pour éclaircir et jamais pour aigrir ou pour troubler »[1]. Un échange de politesses et de bons procédés attesta que la situation s’améliorait. Au mois de janvier 1854, le prince Jérôme-Napoléon était reçu à Bruxelles avec une amabilité très remarquée, et, au mois de septembre, le roi allait saluer l’empereur à Calais. Le 27 février un traité de commerce, valable pour cinq ans, était conclu avec la France. Pour se concilier les bonnes grâces du Cabinet de Paris, le gouvernement se résignait à expulser Kossuth, le général Leflo, le colonel Charras, et s’ingéniait à lénifier l’ardeur de la presse. « Je sais, écrivait Barrot, que la presque totalité des fonds secrets alloués au ministère des Affaires Étrangères est employée à calmer l’irritation de quelques mauvais journaux de la capitale, et que le roi dépense de sa cassette particulière une somme considérable pour le même objet »[2]. Le ministère et les Chambres saisissaient toutes les occasions d’affirmer et de prouver leur résolution de maintenir la neutralité la plus scrupuleuse. Durant la guerre de Crimée, il fut interdit à Crétineau-Joly de faire paraître à Bruxelles un journal pro-russe[3].

On aurait pu espérer que l’avènement au pouvoir du ministère catholique De Decker aurait encore amélioré les rapports avec le gouvernement impérial, dont les sympathies pour l’Église étaient si marquées. La loi du 25 février 1856 sur l’extradition des personnes coupables d’attentat contre la vie des souverains étrangers était évidemment une avance à Napoléon III. Ce fut une avance stérile. Sans doute l’empereur, enorgueilli par sa victoire sur le tsar, trouva-t-il le moment venu d’en finir avec « cette plaie infecte, ce serpent venimeux qu’on appelle la presse belge »[4]. Barrot conseillait depuis longtemps de

  1. Archives du Ministère des Affaires Étrangères à Paris, loc. cit., n° 222, (Lettre du 12 mars 1853).
  2. Ibid., n° 227. (Lettre du 13 janvier 1855).
  3. Ibid. (Lettre d’avril 1855).
  4. Ibid., n° 230. (Lettre du 19 mars 1856).